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Eusebius et Florestan

Vengerov remet les pendules à l'heure

11 Juin 2015 , Rédigé par Eusebius et Florestan Publié dans #Saison 2014-2015

Vengerov remet les pendules à l'heure

Le retour de Maxim Vengerov est un succès, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augures ayant prédit un come-back éphémère : le récital donné salle Gaveau ce samedi 6 juin constituait la cinquième apparition du violoniste à Paris cette saison. Après un concerto de Brahms donné deux soirs de suite en ouverture de saison, un concerto de Tchaïkovski avec Radio France à la Philharmonie (en comité restreint pour les raisons que l’on sait) et une série de pièces de virtuosité au cours d’une soirée au bénéfice de l’UNICEF à l’Auditorium de Radio France, le violoniste retrouvait la forme intime du récital avec trois chefs d’œuvre de la musique de chambre.

La sonate d’Elgar reste encore très méconnue. Défendue autrefois par Yehudi Menuhin et aujourd’hui par Vengerov, qui en a déjà laissé un témoignage discographique, elle séduit par son inspiration mélodique et sa pâte romantique. Le finale commence de manière surprenante dans un climat de musique française avant d’évoluer vers une effusion lyrique proche de celle du Concerto pour violoncelle, le sommet de l’inspiration du compositeur anglais. Elle trouve en Vengerov le défenseur idéal, en particulier dans les silences habités du deuxième mouvement. Un vibrato parfaitement varié distille de subtils parfums et une énergie concentrée irrigue de sève les différentes figures mélodiques. Ces mêmes qualités se retrouvent dans la Sonate no. 2 en la majeur op. 100 de Brahms, en particulier dans le deuxième mouvement dont l’atmosphère estivale est parfaitement restituée par une corde de mi lumineuse et des pizzicatos en miroitement. Dans le finale, le violoniste se crispe et perd sa concentration, semblant renouer avec de vieux démons.

Les doutes sont vite dissipés dès le début de la sonate de César Franck. Ce sera le sommet du récital, malgré un pianiste qui de bout en bout de la soirée aura tendance à jouer trop fort, oubliant d’établir l’équilibre avec le violon. Profonde et électrique, parfaitement architecturée, la sonate de Franck bénéficie de l’art d’un violoniste qui touche à l’alchimie si rare à atteindre entre timbre et expression. Du très grand Vengerov ! Tzigane de Ravel sera alors un pur plaisir. Son archet est d’or : a-t-on déjà entendu le trait final à la fois aussi rapide et aussi tranchant ? Après deux pièces de charme de Kreisler, la Méditation de Thaïs, le bis favori de Vengerov, semble nous faire entendre un vibrato de voix humaine.

Le rêve passe mais une certitude demeure : la nostalgie érigée en théorie est une absurdité. Le passé idéalisé est l’arme des esprits blasés et tristes, voulant se donner une supériorité qui n’est qu’une glaciation de la pensée. Or, assister à un récital de Vengerov aujourd’hui est comme assister à un récital de Heifetz ou d’Oïstrakh jadis. La même remarque pourrait être transcrite chez d’autres instrumentistes, chanteurs ou chefs d’orchestre.

Quant à ceux qui annonçaient il n’y a de cela pas si longtemps le gâchis prévisible de Maxim Vengerov, de quoi ont-ils l’air aujourd’hui, maintenant que ce dernier, parmi les grands violonistes, a remis les pendules à l’heure ?

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