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Eusebius et Florestan

Les Berliner Philharmoniker projettent Kirill Petrenko sur le devant de la scène

24 Juin 2015 , Rédigé par Eusebius et Florestan Publié dans #Actualités

Les Berliner Philharmoniker projettent Kirill Petrenko sur le devant de la scène

Les membres de l’Orchestre Philharmonique de Berlin auront finalement pris tout le monde par surprise. Après l’élection sans résultat du 11 mai, il était dit que les 124 musiciens de l’orchestre allaient mettre plusieurs mois à tomber d’accord sur un nom. Le dimanche 21 juin, dans le secret le plus total, l’accord a eu lieu : c’est Kirill Petrenko (43 ans) qui succèdera à Simon Rattle à compter de 2018 au poste réputé le plus prestigieux au monde pour un chef d’orchestre. Ce choix fait l’unanimité dans un milieu musical pourtant facilement railleur. Il faut dire que le personnage est discret et réputé perfectionniste, d’une médiatisation inversement proportionnelle à celle de l’orchestre berlinois. Il fuit les projecteurs et s’épargne donc les commentaires à la va-vite, contrairement à trois collègues plus exposés de sa génération, donnés grands favoris de l’élection : Gustavo Dudamel, Yannick Nézet-Séguin et Andris Nelsons (ce dernier ayant selon certains médias refusé le poste le 11 mai).

Pour tous ceux qui ont un jour été secoués et bouleversés par la direction de Kirill Petrenko (beaucoup se souviennent encore de son stratosphérique Tristan et Isolde à Lyon en 2011) et pour tous ceux qui n’ont pas encore eu la chance de se confronter à son style de direction, le choix des Berliner Philharmoniker est une excellente nouvelle et apparaît plein de promesses. Il est également audacieux. Chef effacé de caractère mais musicalement de premier plan, Petrenko a aiguisé son talent essentiellement à l’opéra. C’est donc avec incertitude (mais impatience) qu’est attendu son recentrage sur le répertoire symphonique à partir de 2018, même si, après tout, Karajan et Abbado avaient occupé beaucoup de leur temps à la Scala avant d’arriver à Berlin. Les Berliner ont choisi de tenter l’aventure avec un chef peu connu du grand public, privilégiant toujours la qualité à la quantité, s’épargnant les longues semaines de tournées et ne s’étant constitué à ce jour aucune véritable discographie. C’est tout à leur honneur, même si ce choix ne s’est apparemment pas fait sans tergiversation.

Selon des médias allemands, Petrenko aurait vraisemblablement refusé une première fois le poste le 11 mai. Que s’est-il passé entretemps ? La raison est peut-être à chercher du côté du Festival de Bayreuth, envers lequel le chef russe nourrissait de grands espoirs. Mais Bayreuth, comme Dresde (Serge Dorny s’en souvient), est un terrain bien gardé et au début du mois de juin, de fortes tensions éclatent entre Petrenko, qui va jusqu’à menacer de ne pas diriger le Ring prévu cet été, et un certain Christian Thielemann (nous en serons peut-être plus dans les mois qui viennent). Petrenko revient alors sur sa décision de mai : il est finalement disponible pour Berlin.

Toute élection a un grand gagnant et un grand perdant. Et ce dernier, dans le vote des Berliner, s’appelle bien Christian Thielemann. Le seul des favoris à avoir fait de l’œil aux votants a été viscéralement rejeté par une partie importante des musiciens qui ont sans doute refusé que ne s’ouvre pour l’orchestre une ère réactionnaire, autant sur le plan musical que politique. Le répertoire très restreint de Thielemann, centré autour des grands romantiques allemands et autrichiens, serait apparu terriblement fermé et routinier, en particulier avec son style de direction et après les années Abbado et Rattle. La compréhension que le chef allemand a exprimée publiquement envers le mouvement xénophobe PEGIDA en janvier dernier a achevé de semer le trouble dans les esprits. Thielemann ne sera donc sans doute jamais directeur musical des Berliner Philharmoniker, et c’est très bien ainsi.

Kirill Petrenko inscrit lui son nom aux côtés de ceux de von Bülow, Nikisch, Furtwängler, Karajan, Abbado et Rattle. Il lui appartient désormais d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’orchestre. Avec quelle manière de façonner le son, quel style, quel répertoire, quelle communication ? Une chose est sûre, ceux qui ont déjà entendu Petrenko vous le garantissent : cela s’annonce passionnant.

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