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Eusebius et Florestan

Claudio Abbado, en silence

23 Janvier 2014 , Rédigé par Eusebius et Florestan

Claudio Abbado, en silence

C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris, ce lundi 20 janvier, la disparition de Claudio Abbado. Le mardi 29 avril 2014, il n'apparaîtra pas sur la scène de la salle Pleyel. Pour tous ceux qui ont eu la chance d'assister à un de ses concerts, l'émotion est grande.

Claudio Abbado nous quitte alors que le silence saisissant créé un soir d'octobre 2010, salle Pleyel, à la fin de la Neuvième symphonie de Mahler, est encore présent en nous. Plus tôt, en avril 2006, il grava à jamais dans les mémoires un Pelléas et Mélisande de Schoenberg baignant dans une atmosphère d'éternité. Et que dire, parmi ses derniers concerts parisiens, de cette Cinquième symphonie de Bruckner irréelle, de cette Symphonie Ecossaise de Mendelssohn sur laquelle la brume se lève enfin, murmurée dans un caressant souffle méditerrannéen, de ce Premier concerto pour piano de Beethoven d'une jeunesse éternelle, avec Martha Argerich, la complice de toujours, jusqu'à cette Première symphonie de Prokofiev, avec laquelle Abbado aura donc fait ses adieux à Paris, dans le bonheur ?

Pour cet anti-conservateur, l'interprétation devait s'inscrire dans un renouvellement perpétuel, car "dans la musique, comme dans la vie, il n'y a pas de limites". La partition était sans cesse remise sur le métier, pour mieux nous être révélée dans sa signification la plus profonde.

Ses interprétations portées à un tel niveau d'exigence nous manqueront.

Difficile d'exprimer ce qui nous touchait tant chez cet artiste.

Sans doute, bien sûr, sa direction, débarrassée de tout superflu, empreinte d'une humanité réconfortante, au niveau de tous. Abbado ne dirigeait pas ses musiciens, il faisait de la "musique avec eux", comme il aimait à le répéter, prouvant que le temps du chef tout puissant était bien révolu. "La musique a toujours eu une signification humaine et sociale pour moi."

Peut-être, avant tout, sa manière de concevoir la musique comme ne se séparant jamais du silence. "Car la musique est un dialogue où l'on se met à l'écoute de l'autre et essaye de comprendre aussi l'inexprimé".

Chez ce personnage camusien, nulle démonstration de force, point d'âme torturée, de quelconque intellectualisme, tout au contraire dans son "accompagnement" nous invitait à profiter de la musique comme l'on prend le temps de profiter d'un paysage dont les dimensions de temps et d'espace vous emplissent de la plus grande des conquêtes, le bonheur.

Pour toutes ces très hautes raisons et pour bien d'autres encore, inexprimables, nous garderons longtemps le souvenir doux et lumineux de Claudio Abbado, né en été.

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